Interview Hery Zo Rakotondramanana
L'intelligence artificielle fait son chemin à Madagascar. Qui utilise ces solutions ?
À Madagascar, l'IA a gagné en popularité depuis la sortie de ChatGPT en 2022. Dès lors, le grand public a commencé à l'utiliser ainsi que d'autres solutions. On peut classer trois catégories d'utilisateurs : le grand public, les entreprises et celles spécialisées dans les services digitaux ou offshoring. Au niveau mondial, cela fait une dizaine d'années qu'on utilise l'intelligence artificielle (IA). Le grand public peut utiliser plusieurs solutions comme ChatGPT, Gemini par Google ou encore Copilot de Microsoft parmi tant d'autres pour pouvoir traiter des images ou des textes. Il faut savoir que toutes les données utilisées sur ces solutions sont stockées dans leur serveur c'est la raison pour laquelle ces solutions ne sont pas forcément utilisées par les entreprises.
À côté, les sociétés off-shore s'installent au pays et emploient un certain nombre de personnes pour effectuer différentes tâches pour le compte des grandes entreprises multinationales. Ces métiers sont impactés par l'IA. Dans les relations clients, auparavant, il fallait un agent pour travailler 24/7 pour traiter les cas. En ce moment, plusieurs sociétés donneuses d'ordres à l'étranger commencent à utiliser l'IA pour traiter les relations clients et confient seulement les tâches qui sont impossibles à traiter par l'IA à un agent.
Justement, quels seront les impacts de ce changement au niveau des emplois ?
Indéniablement, le volume de travail diminue et cela est visible dans les entreprises comme les call-center. Les gens qui travaillent dans les nouvelles technologies en freelance assurant des services de marketing digital ou de community management sont aussi impactés. En effet, l'IA peut aussi générer des outils pour effectuer des tâches comme des rédactions de contenus ou de traitement d'images. Le nombre de freelancers dans le métier du digital à Madagascar est estimé à 85.000 en 2023. Personnellement, je pense que ce chiffre est à la hausse et surtout avec l'arrivée de Starlink qui permet de travailler n'importe où.
Indépendamment des répercussions qui sont déjà visibles à l'étranger, l'IA pourrait créer un certain déséquilibre sur le marché du travail à Madagascar. Les entreprises de BPO seront touchées mais aussi des entreprises comme la nôtre qui opère dans la conception des applications sur mesure et qui n'ont d'autres choix que de se réinventer.
Outre les impacts au niveau des emplois, y a-t-il d'autres risques ?
La sécurisation des données est un enjeu majeur qui nécessite un contrôle strict et une maîtrise du sujet. D'après une étude menée par le World Economic Forum, près de 40% des emplois au monde seront impactés par l'IA ou l'automatisation. Dès maintenant, dans notre travail respectif, il faut repenser comment travailler avec l'IA. Cette mutation nécessite un accompagnement. La partie manipulation comporte aussi un risque. En fait, l'IA reçoit beaucoup de données et c'est à partir de là qu'elle émet des recommandations et des prédictions. Cela veut dire que si les données sont, au départ, de mauvaise qualité, les résultats le seront tout autant.
Avec cet avènement de l'IA, que propose une entreprise comme E-tech à ses clients ?
On accompagne nos clients sur des projets digitaux. Cela peut se faire dès l'idéation du projet, l'élaboration du cahier des charges, l'exécution ou une reprise de projet. Étant donné que la question des ressources humaines dans le domaine du digital reste difficile à Madagascar, dès 2023, nous avons lancé une initiative stratégique et nous disposons aujourd'hui d'une trentaine de personnes spécialisées en IA.
Vous savez, on dit qu'on commence à utiliser l'IA à Madagascar et nous n'en sommes pas encore vraiment conscients, mais les gens ne savent pas par où commencer. Les entreprises sont aussi dubitatives par rapport à la sécurité des données. Comme je l'ai déjà mentionné, tout cela nécessite un accompagnement. Et justement, dès 2024, E-tech a commencé à montrer plusieurs « use case » (cas d'usage) de l'IA pour les entreprises à Madagascar notamment dans les relations clients, marketing, productivité ou encore des analyses de vidéos et des reconnaissances de documents dans des systèmes d'informations.
En termes de bénéfices, dans quels secteurs peut-on utiliser l'IA ?
Tant qu'on a affaire à plusieurs données, on peut toujours intégrer l'IA. Quel que soit le domaine. L'IA est très prisée dans la télécommunication, les banques avec l'analyse de crédit notamment. L'outil peut aussi être intéressant pour traiter les données liées à l'état civil et l'identité. D’autant que l'IA a besoin d'être entrainée par des données pour s'améliorer.
Quels sont les principaux avantages de l'adoption de ces solutions ?
Certes, l'IA ne peut remplacer l'humain mais il y a tout de même un certain gain de productivité. La capacité de traitement est aussi très rapide et l’IA peut traiter des données en grande quantité. On peut par exemple analyser rapidement une tendance de vente. De plus, l'interaction se fait en langage naturel, l'interface varie car des textes ou audio peuvent être combinés à d'autres outils comme WhatsApp ou Skype. Dans un call center, l'analyse de qualité des appels qui se fait manuellement est réalisée par échantillons. Avec l'IA cela peut se faire en intégralité, en temps réel avec des analyses d'intonation (...)
Tiana Ramanoelina
Source : Perspectives eco magazine
N°12 - Décembre 2024